mardi 30 mars 2004
A l’origine, le cheval ’Barbe’’, berbère en l’occurrence, était utilisé comme cheval de guerre par les Maures, les Numides, les Carthaginois, et par Jules César pour conquérir les Gaules.
Ce cheval brilla durant des siècles et particulièrement en 1870, au milieu des désastres de la guerre Franco-allemande. Mais c’est singulièrement lors du premier conflit mondial de 1914-1918, en Macédoine, où il apportera la preuve de ses qualités exceptionnelles. Et plus récemment l’armée Allemande ouvrira les portes de Moscou avec des Barbes réquisitionnés en Tunisie par Rommel.
C’est un faux tempérament froid allié à une véritable intelligence.}
mardi 30 mars 2004
Appelé cheval de Barbarie par les auteurs Romains il y a plus de 2000 ans, le Barbe a toujours été élevé en Libye, Tunisie, Algérie au Maroc et depuis longtemps en France. Physiquement très endurant et supportant sans peine toutes les privations, il quitta très tôt les pays du berceau de race pour rayonner en Italie, Espagne et France sous la selle de guerriers mal connus, donc désignés sous le nom de Barbares qui fut pareillement attribué aux chevaux Barbes.
Selon plusieurs hypothèses, on avance que son admission en Afrique du Nord date du IIème millénaire avant JC, mais des ossements d’espèce chevaline datant de 4000 ans et plus ont été découverts dans des gisements en Algérie. Ajoutons à cela des peintures rupestres et des gravures représentant des chevaux qui ont été découvertes dans le Hoggar, le Tassili et en Kabylie.
On croit savoir que les Lybiens inaugurèrent la tradition des jeux du char et de l’honneur fait aux conducteurs de chars, notamment féminins qui donna naissance au mythe d’Athéna (Tineiht, devenue Neith en Egypte, Athéna en
Grèce et Minerve à Rome), déesse de la guerre et de la raison à la fois symbolisée par la jeune fille victorieuse lors des jeux du char.
Stèle d’Abizar
IIIe-IIe siècle avant J-C (Kabylie) Musée de Constantine
En tous cas, en Afrique du Nord, le cheval fait partie intégrante de la vie de l’homme, dans toute son histoire. Strabon (58 av. JC, 25 après JC) rapporte dans ses écrits de quelle manière les cavaliers numides d’Afrique du Nord « montaient leurs chevaux ’sans frein’’, c’est à dire sans harnachement, sans enrênèrent, sans mors, ce qui est remarquable. Seul parfois une cordelette autour du cou pouvait servir à ralentir ou à diriger quelques chevaux. »
Dès 1550, à Venise un livre contenant un chapitre ’La description de l’Afrique’’ parle des chevaux Barbes « Ces chevaux sont appelés en Italie : Barberi, et il en est ainsi dans toute l’Europe, parce qu’ils viennent de la ’Barbaria’’. Ils sont d’une espèce née dans le pays... ». Ce pays c’est l’Afrique du Nord. On se souvient que le roi Louis fit importer des étalons de la Barbaria pour ses provinces de Xaintonge et d’Auvergne.
Le cheval Barbe possède un mental exceptionnel, calme et explosif à la fois. Lymphatique au repos, il bouillonne dès qu’on le sollicite, c’est un faux tempérament froid allié à une véritable intelligence.
Tête de Tanit couronnée
Son énergie devenue légendaire est toujours très simple à canaliser des plaines littorales riches, celui des montagnes, celui des hauts plateaux et de la limite Nord du Sahara.
Bien qu’il n’y ait jamais eu d’étude systématique à ce sujet, plusieurs publications anatomiques précisent que le cheval Barbe n’aurait que cinq vertèbres lombaires au lieu de six comme les autres chevaux. N’avoir que cinq vertèbres lombaires mobiles donne l’avantage de moins fatiguer les muscles pour supporter une charge. Cela ne gène en rien la souplesse du rein, bien au contraire puisque les muscles ne tétanisent pas. Cette particularité anatomique de la majorité des Barbes joue un grand rôle dans l’endurance qu’on leur connaît. Endurant, sobre, frugal, résistant à toutes les variations climatiques, l’étalon Barbe demeure le cheval d’extérieur et de loisir par excellence, monture rêvée pour le tourisme équestre et l’endurance
On le trouvera plutôt brun rouge et gris en Tunisie, plutôt gris en Algérie, plutôt gris et bai au Maroc avec toutes les variantes de ces familles de robe. Il est toujours efficace et agréable à monter. Des sabots plutôt petits, cylindriques et durs, une croupe “en pupitre”, une encolure courte, le Barbe a une morphologie de cheval porteur et efficace. Le Barbe est à l’origine de l’élaboration de la race du Pure Race Espagnol, mais également du Pur-Sang Anglais. Il donna en effet naissance à Godolphin Arabian qui fut le chef de file de l’une des plus prodigieuses filiations de Pur-Sang Anglais.
Endurant, sobre, frugal, résistant à toutes les variations climatiques}
On trouve le Barbe dans tout le territoire de Tamazgha, d’où il est arrivé à pied en France par l’Espagne et en bateau plus tard à Sète et Marseille. Dans l’antiquité, il gagnait déjà en bateau l’Italie, la France et les îles méditerranéennes. Très apprécié dans le Sud-Est de la France où il a “débarqué” en premier, il y est encore élevé en nombre dans les domaines d’Uzès et d’Annecy. Son élevage s’est étendu sur un axe Sud-Est Nord-Ouest et a gagné aujourd’hui la Bretagne, les Flandres comme l’Artois et le Nord-Est.
La fantasia symbole de la virtuosité guerrière, rendue célèbre par les tableaux du peintre français Delacroix, assure la continuité d’une tradition équestre militaire authentique. Simulation de l’action militaire traditionnelle au XIXème siècle, elle reproduirait les glorieux assauts de la tactique militaire Berbère. Aujourd’hui, la charge du baroud a remplacé le coup d’arbalète. La Fantasia reste une des manifestations hippiques les plus estimées dans toute l’Afrique du Nord. En Algérie 140 associations équestres traditionnelles perpétuent la Fantasia. Au Maroc près de 1 000 troupes et près de 15 000 chevaux participent aux concours organisés par les haras nationaux à l’occasion des fêtes locales ou nationales.
Le cheval Barbe a joué un rôle important en Europe occidentale, tout spécialement en Angleterre à partir du XVIéme siècle. C’est à Henri VIII, le contemporain de François 1er et de Charles Quint, que le Prince de Mantoue offrit plusieurs juments de cette race qui furent mises à la reproduction au Haras d’Eltham. Les cours européennes utilisaient des chevaux napolitains et andalous qui se prêtaient bien au dressage. Le Barbe, cheval d’extérieur par nature, se révéla capable de les concurrencer sur leurs propres terrains, tant son équilibre
La Fantasia (Maroc)
naturel était bon. Aussi Henri VIII, puis ses successeurs, multiplièrent-ils ce cheval dans les îles Britanniques.
Olivier Cromwell, bien qu’opposé aux courses, pratiquait l’élevage, et possédait des juments Barbes qu’il faisait couvrir par l’étalon du Général Fairfax, le fameux ’Marocco Barb’’. En 1650, après le rétablissement de la monarchie, Charles II envoya ses écuyers acheter d’autres juments d’Afrique du Nord : ce sont les fameuses ’Royale Mares et Barb Mares’’.
Le Barbe continue, par ailleurs, à alimenter les écoles d’équitation. Le duc de Newcastle, le célèbre auteur de la ‘’Méthode Nouvelle et Invention Extraordinaire de dresser les chevaux’’ exprime toute l’estime qu’il porte à cette race : il nous dit que le Barbe est son cheval préféré, il lui donne cette préférence « pour le modèle, la force, son naturel agréable et sa docilité. »
De Pluvinel instruisant Louis XIII, sur le cheval Barbe "Le Bonnite"
En France, c’est à propos du roi Henri III que l’on cite pour la première fois, au plus haut niveau, le cheval Barbe. C’est en effet sur un Barbe qu’il quitta Cracovie, où il était alors roi de Pologne, pour regagner Paris, lorsque la mort de son frère Charles IX, en 1574, lui laissa le trône de France.
Mais Henri IV va être le premier souverain Français à s’intéresser vraiment aux chevaux Barbes et à leur élevage. Antoine de Pluvinel, Grand Ecuyer du Roi avait découvert cette race en Italie et l’avait introduite dans les écuries du roi : il employait plusieurs Barbes dans son Académie Equestre, et c’est sur un Barbe appelé ‘’le Bonnitte’’ qu’il fit faire au dauphin, le futur Louis XIII, son éducation équestre.
Dans ‘’Le Manège Royal’’, dont il était l’auteur, plusieurs gravures représentent ‘’le Bonnitte’’. Le Grand Ecuyer en parlait en ces termes : « C’est le cheval le mieux dressé de la chrétienté, et il est le parangon de tous les chevaux de manège du monde, tant par sa beauté, que pour aller parfaitement, de bonne grâce, jusque terre à terre et à courbettes. On lui trouve beaucoup de nerf, de légèreté et d’haleine ; il réussit parfaitement aux allures relevées et dure longtemps. A n’en point douter, le fameux ‘’cheval blanc’’ qu’Henri IV montait dans les grandes occasions, était un Barbe ! ».
Sous Louis XIV de nombreuses juments Barbes achetées à Moulay Ismail sont mises à la reproduction au Haras royal de Saint Léger en Yvelines. Jacques II, roi d’Angleterre, poursuit la politique de son frère Charles II, et achète à Monsieur Curwen deux étalons Barbes que le sultan du Maroc avait offert à Louis XIV, et dont avait hérité son fils légitime, le Comte de Toulouse : il s’agit de ‘’Curwen Bay Barb’’ et de ‘’Toulouse Barb’’.
En 1731, le Bey de Tunis offre au jeune roi Louis XV, huit étalons Barbes ; il se sépare de Scham, étalon bai, à l’encolure puissante, qui après beaucoup de vicissitudes sera acheté par Lord Godolphin ; il deviendra ‘’Godolphin Barb’’ et produira avec l’excellente Roxana une extraordinaire descendance dont un des meilleurs chevaux de courses : ‘’Lath’’. Naîtront ensuite, du même père, Cade, Regulus et bien d’autres.
Ce sont les qualités foncières des Barbes qui, grâce à une sélection sévère par l’épreuve sportive, ont permis aux Anglais de fabriquer le Pur-Sang Anglais. Les pedigrees de Matchem, Herod et Eclipse en apportent la preuve.
Le Barbe n’est pas en soi contesté ; dans son ‘’Histoire du Cheval’’ le grand hippologue que fut Ephrem Houel en parle en ces termes : « Le Cheval Barbe a plus de taille que l’Arabe, il a la tête un peu plus longue. Sa poitrine est magnifique, ses membres sont forts et nerveux, son ensemble est merveilleux de grâce et d’élégance. Il a le pied sûr, la course rapide et se plie néanmoins facilement aux travaux les plus compliqués du manège. »
Quelques années plus tard, le Général Daumas, écrivait dans son admirable ouvrage ‘’Les Chevaux du Sahara’’ : « Si le Barbe n’a pas les contours arrondis, l’harmonieuse beauté, l’élégance plastique du cheval arabe, on peut dire que ses lignes arrêtées et vigoureuses révèlent d’indiscutables qualités. »
La grande guerre de 14-18 fut les années de morts et de souffrances ; le peuple français a payé plus que les autres, en Europe, pour la liberté. En cette période comme en 1870, c’est la Cavalerie d’Afrique et son cheval Barbe qui sauvèrent l’honneur des troupes à cheval. Elle offrit à la France la dernière victoire de la guerre : Uskub (Skoplje -Macédoine) ; le 29 septembre 1918. Ce fut la plus belle (car avec capitulation de l’ennemi). Cette cavalerie légère avait le meilleur cheval de selle de guerre de troupe.
Après la rupture du front Germano-Bulgare par l’infanterie à Dropopoljé, la brigade de Cavalerie d’Afrique est lancée sur les arrières ennemis, le 21 septembre au soir, par le général en chef. Elle est composée de chasseurs d’Afrique et du régiment de marche des Spahis marocains : 2 000 chevaux Barbes de troupe. Objectif Uskub, nud ferroviaire derrière le front. La brigade atteindra le Danube où l’arrêtera l’Armistice général, moins de 50 jours plus tard. Mais l’incroyable fut, les 26-27-28 septembre 1918, le raid, par des sentiers de chèvres, de ces 2 000 chevaux à travers les montagnes de Macédoine, culminant à 2 000 mètres.
Bas-relief, Zouave (Noyonnais) 14-18 - Musée de la Mémoire des Murs et d’Archéologie Verneuil en Halatte
Par ce chef d’œuvre de manœuvre d’infiltrations sur les arrières, cette cavalerie légère investit et prit Uskub le 29 sans coup férir. La retraite de l’armée allemande était coupée, elle capitulera. Ce même jour (29) la Bulgarie demande l’Armistice. Le général Jouinot-Gambetta a écrit « Nos chevaux Barbes se montrent admirables (pour grimper) la terrible pente ». Par anticipation de sa manœuvre stratégique, il avait rassemblé et préparé cette cavalerie dans la région de Monastir en Tunisie. Ces chevaux étaient produits dans les établissements hippiques d’Afrique de Nord.
Bien au-delà de la tenue des livres généalogiques, le stud-book Belge entend préserver, défendre et promouvoir le cheval Barbe et regrouper tous ceux, éleveurs, cavaliers ou simplement amoureux des chevaux Barbes, qui se passionnent pour cette race. Officiellement reconnue en 2002 par l’Organisation Mondiale du Cheval Barbe (OMCB), l’Association Belge du Cheval Barbe gère en Belgique le stud-book du cheval Barbe pur en étroite collaboration avec la Confédération Belge du Cheval.
Haoussa Larzac est la Première jument Barbe à obtenir un titre international. Elle obtient également la médaille de bronze en individuel sous la selle de Sunny Demedy. Elle met ainsi le point d’orgue à la magnifique saison 2003 des chevaux barbes en courses d’endurance.
El Shagar Al Shatane est classé second à Montcuq sous la selle de Pierre Olivier. Magnifique course de William Mosconi qui obtient sur Giorgio de Mosc (Barbe pur) la seconde place sur la CEN de le Pertre.
Sur les finales nationales jeunes chevaux d’Uzès, à 100 % ce sont des chevaux Barbes qui se qualifient. La race Barbe est la seule à obtenir une telle réussite
Le Championnat de Belgique du Cheval Barbe est un concours d’élevage organisé par l’asbl Association Belge du Cheval Barbe et est régi par le présent règlement. Le championnat comprend d’une part un concours de modèle et d’allures et d’autre part une expertise d’étalons admis à la monte publique dans le stud-book belge du cheval barbe. L’association sans but lucratif Association Belge du Cheval Barbe, en abrége ABCB.
Nacer Boudjou
site : https://www.kabyle.com/archives/la-berberie/article/quand-les-chevaux-barbes-berberes